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Le harcèlement au travail : les nouvelles évolutions
Le harcèlement moral et le harcèlement sexuel ont été au centre de l’attention du législateur au cours des derniers mois.
En effet, celui-ci s’est récemment penché sur cette question. Deux lois ont été adoptées dans ce domaine afin de renforcer la protection des
victimes du harcèlement, dont celles des salariés dans leurs relations de travail :
- La loi n°2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, complétée par une circulaire du 3 septembre 2018
- La loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel
C’est ainsi l’occasion de faire un point sur les derniers apports du législateur dans ce domaine.
Propos introductifs
Pour rappel, le Code du travail et le Code Pénal instaurent une protection pour les salariés contre le harcèlement moral et sexuel au travail.
De nombreuses responsabilités et obligations pèsent sur l’employeur. Il doit intervenir en amont en terme de prévention afin d’éviter tout fait de harcèlement au sein de son entreprise. Mais son rôle est aussi d’identifier les faits de harcèlement et de faire cesser les agissements s’ils sont constatés. L’ensemble de ces obligations est assorti de sanctions pouvant notamment engager sa responsabilité.
Extension des délits de harcèlement sexuel et de harcèlement moral
Les articles 222-33 et 222-33-2-2 du Code pénal protègent le salarié contre le harcèlement sexuel et le harcèlement moral.
Toutefois, ces articles ne permettaient pas d’appréhender l’ensemble des situations dans lesquelles une personne peut être victime de harcèlement. Ainsi, deux ajouts ont été apportés à ces articles afin d’élargir les cas où l’infraction pourra être constatée, dans l’objectif d’accroître la protection des victimes de ce type de comportements.
La première modification concerne le délit de harcèlement sexuel (article 222-33 du Code pénal). La définition intègre désormais la notion de propos ou comportements à connotation sexiste (qui s’ajoute au terme « à connotation sexuelle »). Cet ajout permet d’élargir les faits intégrant cette qualification.
De plus, le deuxième apport des réformes a été de compléter les articles 222-33 et 222-33-2-2 du Code pénal. Que ce soit pour le harcèlement sexuel ou le harcèlement moral, la notion de répétition des actes a été précisée afin qu’elle puisse s’appliquer dans les hypothèses où elle est le fait de plusieurs personnes.
Ainsi le délit de harcèlement est également constitué :
« 1° Lorsque les propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;
2° Lorsque les propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition. »
Ces modifications ont pour objet de lutter contre le « cyber-harcèlement », lorsque des faits sont commis de manière fréquente par plusieurs personnes dont aucune n’agit de façon répétée (le terme de « raid numérique » est aussi utilisé).
L’obligation d’affichage des services compétents en matière de harcèlement sexuel
L’article L1153-5 du Code du travail met à la charge de l’employeur une obligation de prévention concernant le harcèlement sexuel. Cet article a été complété par la loi du 5 septembre 2018, elle-même précisée par le décret du 8 janvier 2019.
Selon ces dispositions, l’employeur doit informer tout salarié, personne en stage ou en formation ou candidat au recrutement de l’existence du délit de harcèlement sexuel, des actions contentieuses civiles et pénales ouvertes en la matière, ainsi que des coordonnées des autorités et services compétents.
Le décret du 8 janvier 2019 précise donc que l’obligation d’information pesant sur l’employeur implique pour celui-ci de préciser l’adresse et le numéro de téléphone :
- du médecin du travail ou du service de santé au travail compétent pour l’établissement ;
- de l’inspection du travail compétente, en indiquant le nom de l’inspecteur compétent ;
- du Défenseur des droits ;
- du référent désigné dans les entreprises d’au moins 250 salariés pour orienter, informer et accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes ;
- du référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes, désigné par le Comité Social et Economique (CSE) parmi ses membres.
Ces deux référents ont également été créés lors des dernières réformes. Leur désignation est devenue obligatoire à compter du 1er janvier 2019.
Cette obligation d’information s’effectue par tout moyen, et s’applique dans les lieux de travail, dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche.
Nouvelle contravention : l’outrage sexiste
La loi du 3 août 2018 a créé une nouvelle contravention réprimant le harcèlement : l’outrage sexiste.
Initialement, celle-ci a été créée afin de réprimer le harcèlement de rue dont sont fréquemment victimes les femmes. Cependant, la circulaire du 3 septembre 2018 a confirmé que l’espace public n’est pas le seul lieu où peut être constaté l’outrage sexiste. En effet, cette contravention pourrait être retenue sur le lieu de travail, si la victime introduit une action pénale.
L’article 621-1 du Code pénal définit l’outrage sexiste comme étant le fait « d’imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit créé à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.»
Cette contravention s’applique donc en dehors des cas où un harcèlement est constaté. La qualification d’outrage sexiste ne doit être retenue que dans les cas où les faits ne pourraient faire l’objet d’aucune autre qualification pénale plus sévère. Ainsi, cette disposition permet de réprimer des comportements à connotation sexuelle ou sexiste échappant à toute sanction pénale, tels que des commentaires dégradants sur les vêtements ou l’apparence physique ; ou encore des propositions sexuelles, des attitudes non verbales telles que des gestes imitant ou suggérant un acte sexuel, des sifflements ou des bruitages obscènes ou ayant pour finalité d’interpeller la victime de manière dégradante.
La sanction encourue est une amende prévue pour les contraventions de 4ème classe (soit 750 euros), qui devient une contravention de 5ème classe en cas de circonstances aggravantes. La récidive est réprimée par une amende de 3000 euros.
Mise en avant du harcèlement au sein des discussions en entreprise
Des mesures visent à augmenter la prise en compte du harcèlement en tant que problématique au sein de l’entreprise.
D’une part, une négociation doit être engagée au minimum tous les 4 ans au niveau de la branche concernant la « mise à disposition d’outils aux entreprises pour prévenir et agir contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes » (article L2241-1 du Code du travail).
D’autre part, la lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes fait partie des sujets traités par les commissions paritaires régionales interprofessionnelles dans leur mission d’information et d’assistance auprès des entreprises de moins de 11 salariés (article L 23-113-1 du Code du travail).
Un sujet au cœur de l’actualité
Enfin, la question du harcèlement est au cœur de l’attention du gouvernement, preuve en est des dernières lois entrées en vigueur, mais également du « guide pratique et juridique » pour lutter contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes, diffusé par le ministère du travail le 8 mars 2019. Ce guide est à destination des employeurs, mais aussi des salariés victimes et témoins. Il comprend notamment des indications sur les actions à mener en matière de prévention, et sur le processus de l’enquête interne (suite à un signalement).
Mathilde LACOINTE
In Extenso Social