Actualités du traitement de la paie
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Le régime social des indemnités de rupture en 2019
Les indemnités de rupture dont le régime est examiné dans le présent article sont celles liées à la rupture du contrat de travail telles que l’indemnité de licenciement, l’indemnité transactionnelle et les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sont expressément exclues l’indemnité de préavis, l’indemnité compensatrice de congés payés, l’indemnité de non-concurrence et l’indemnité de précarité qui ont la nature de salaire et sont donc entièrement assujettis à cotisations et contributions sociales.
Une première limite à l’exonération des cotisations sociales : exonération d’impôt sur le revenu
Les indemnités de rupture ne peuvent être exonérées de cotisations sociales que pour la part n’excédant pas les seuils d’exonération fiscaux en vertu de l’article 80 duodecies du Code Général des Impôts (CGI), étant précisé que cet article vise une liste non exhaustive de rémunération et d’indemnités non imposable (voir infra).
Ainsi, sont exonérés d’impôt sur le revenu la fraction des indemnités versées en dehors du cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi qui n’excède pas :
- Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l’indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond annuel de la sécurité sociale, PASS (soit 243 144€ en 2019);
- Soit le montant de l’indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l’accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi.
Une deuxième limite : le Plafond Annuel de la Sécurité Sociale (PASS)
Le montant des indemnités de rupture est exonéré de cotisations sociales jusqu’à deux fois le PASS soit 81048 euros en 2019, étant précisé que le plafond doit être calculé en fonction des règles en vigueur au jour du versement des indemnités.
Il ressort de ce qui précède que le montant perçu au titre des indemnités de rupture ne pourra être exonéré en 2019 que dans la limite des seuils fiscaux rappelés ci-dessus et dans la limite de 81048 euros.
Il est précisé que les indemnités excédant 10 Plafond Annuel de la Sécurité Sociale soit 405240 euros en 2019 sont soumises dans leur intégralité à cotisations sociales et CSG/CRDS.
La CSG/CRDS
De surcroît, l’indemnité de licenciement est exclue de la CSG et de la CRDS, indépendamment de son assujettissement à l’impôt sur le revenu, dans la limite du plus petit des montants suivants
- Le montant prévu par la convention collective de branche, l’accord professionnel ou interprofessionnel ou à défaut par la loi ;
- Le montant exclu des cotisations de sécurité sociale.
L’indemnité conventionnelle de licenciement et l’indemnité transactionnelle
Les règles étant rappelées ci-dessus, il convient de fournir des exemples concrets.
1. Un salarié d’une ancienneté de 6 ans perçoit une rémunération brute de 2500 euros sur 12 mois
Sa rémunération brute annuelle s’élève donc à 30000 euros.
La convention collective prévoit une indemnité de licenciement d’1/3 de mois par année d’ancienneté.
Le double de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant la rupture de son contrat de travail correspond à 60000 euros
Son indemnité conventionnelle de licenciement s’élève à 5000 euros
Il est convenu une indemnité transactionnelle en sus de l’indemnité conventionnelle de licenciement de 30000 euros.
50% de l’indemnité octroyée : 17 500 euros (soit [30000 euros + 5000 euros]/2)
Le plus élevé de ces montants étant 60000 euros, l’intégralité de l’indemnité perçue sera exonérée d’impôt sur le revenu et sera exonérée de charges sociales car inférieure à 2PASS.
En revanche, le montant excédant l’indemnité conventionnelle de licenciement soit 30 000 euros demeure assujetti à CSG/CRDS de 9,7%.
2. Un salarié de 12 ans d’ancienneté reçoit une rémunération annuelle brute de 120 000 euros soit 10 000 euros mensuel.
La convention collective prévoit une indemnité de licenciement d’1/3 de mois par année d’ancienneté.
Le double de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant la rupture de son contrat de travail correspond à 240 000 euros
Son indemnité conventionnelle de licenciement s’élève à 40 000euros
Il est convenu une indemnité transactionnelle en sus de l’indemnité conventionnelle de licenciement de 60 000euros.
50% de l’indemnité octroyée : 50000 euros (soit [40000 euros + 60000 euros]/2)
Le plus élevé de ces montants étant 240000 euros, le montant de l’indemnité sera exonéré d’impôt sur le revenu.
Néanmoins, il convient de tenir compte du plafond de 2 fois le Plafond Annuel de la Sécurité Sociale soit 81048 euros.
Ainsi le montant de 18952 euros (soit 100 000 – 81048 euros) sera soumis aux cotisations sociales.
En effet, l’indemnité perçue sera exonérée de charges sociales à hauteur de 81048 euros mais assujettie pour 18952 euros.
De surcroît, le montant excédant l’indemnité conventionnelle de licenciement soit 40 000 euros demeure assujetti à CSG/CRDS de 9,7%.
Les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Les indemnités pour licenciement irrégulier ou abusif allouées par décision judiciaire sont exclues de l’assiette des cotisations de sécurité sociale dans la limite de 2 fois le plafond annuel de la Sécurité Sociale soit 81048 euros pour 2019, étant précisé que cette indemnité doit être ajoutée au montant total des indemnités de rupture déjà perçues.
Précision jurisprudentielle pour les indemnités non visées par l’article 80 duodecies du CGI
Par une série d’arrêts en 2018, la Cour de cassation a décidé que si l’employeur prouve que les indemnités versées lors de la rupture du contrat, qui ne sont pas visées à l’article 80 duodecies du CGI, ont pour objet d’indemniser un préjudice, celles-ci sont exonérées de cotisations de Sécurité Sociale. (Cass.2e civ.21-6-2018 n°17-19.432, n°17-19.773, n°17.19.671)
Lesdites décisions ont été rendues à propos d’indemnités transactionnelles versées à la suite d’un licenciement pour motif économique et d’un licenciement pour faute grave.
Cette jurisprudence a pour effet d’empêcher le redressement systématique des indemnités transactionnelles versées aux salariés licenciés pour faute grave. Si l’employeur prouve le caractère indemnitaire d’une telle somme, il peut échapper au redressement.
Tel est le cas d’une transaction qui selon ses termes clairs, précis et dénués d’ambiguïté, il résulte que
- L’employeur n’entendait pas renoncer à se prévaloir de la faute grave du salarié,
- La faute grave était bien la cause du licenciement,
- Aucun préavis n’avait été effectué et l’indemnité transactionnelle ne comportait aucune indemnité de préavis ni aucun éléments soumis à cotisations.
En revanche, dans une des trois affaires, les juges du fond dont la solution a été approuvée par la Cour de cassation, ont validé le redressement d’une transaction suite à un licenciement pour faute grave.
Il ressort donc de ce qui précède qu’il convient d’être vigilant tant dans la négociation que dans la rédaction des termes d’une transaction pour éviter d’une part les dépassements des seuils fiscaux et sociaux qui risquent d’être coûteux et d’autre part pour éviter tout redressement de l’URSSAF.
Jessica IP TING WAH
Avocat Associé
In Extenso Avocats
Hauts de France
jessica.ip-ting-wah@inextenso-avocats.fr